« En rémission ». Ces mots apportent un immense soulagement, mais laissent planer la sourde menace d’une rechute. Une nouvelle génération de vaccins ouvre enfin une nouvelle perspective, celle de la guérison.
Depuis quelques années, l’idée de créer des vaccins contre le cancer s’est imposée dans les laboratoires du monde entier. Pas encore pour prévenir la maladie, mais pour aider le système immunitaire à reconnaître les cellules cancéreuses déjà présentes ou celles pouvant induire un risque de récidive.
Beaucoup de ces vaccins utilisent la fameuse technologie à ARNm, personnalisée en fonction des mutations spécifiques trouvées dans la tumeur de chaque patient. Des essais cliniques avancés (en phases 2 ou 3) sont en cours, et les résultats sont prometteurs pour certains cancers comme le mélanome (un cancer de la peau) ou ceux du pancréas. Mais la réponse reste très inégale : chez certains patients, elle est positive, chez d’autres, nullement.
Pourquoi cette différence ? Parce que, pour qu’un vaccin soit efficace, il ne lui suffit pas d’avoir une cible précise, qu’on appelle un antigène (que l’on pourrait schématiquement comparer à une étiquette capable de signaler les cellules cancéreuses au système immunitaire). Il faut aussi un signal d’alerte puissant pour réveiller et activer le système immunitaire de façon durable. Ce signal, on l’appelle un adjuvant. Dans de nombreux vaccins contre le cancer actuels, ce signal est trop faible, ce qui explique pourquoi la réponse immunitaire n’est pas toujours au rendez-vous, ni en termes de durabilité, ni d’efficacité.
C’est précisément ce verrou qu’une équipe du Massachusetts a voulu faire sauter, dans une étude parue en octobre 2025 dans la revue Cell Reports Medicine. Elle a développé un « super-adjuvant » sous forme de nanoparticules lipidiques – de minuscules bulles de graisse, invisibles à l’œil nu, qui transportent un duo de signaux d’alerte immunitaires. Ceux-ci provoquent deux réactions conjointes : l’une, appelée STING, détecte de l’ADN anormal (comme celui des cellules cancéreuses), et l’autre, TLR4, déclenche une inflammation contrôlée pour alerter le corps. Ensemble, ces deux signaux créent une réaction immunitaire explosive mais ciblée. Elle se manifeste par le réveil de cellules dendritiques – pensez à elles comme à des instructeurs qui forment les soldats du système immunitaire – provoquant la mobilisation d’une armée de lymphocytes T et B, qui attaquent et détruisent les tumeurs.
À la différence des habituels vaccins à ARNm, ces nanoparticules ne contiennent aucun code génétique. Elles servent juste d’amplificateur. C’est comme ajouter un turbo à un moteur existant, sans modification du véhicule.
Les chercheurs ont testé cette approche sur des souris avec des résultats impressionnants. Près de 90 % des animaux n’ont pas développé de tumeur après avoir été exposés à des cancers très agressifs, comme ceux du pancréas, du sein ou de type mélanome. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que la réexposition des animaux aux mêmes cancers plusieurs semaines plus tard n’a provoqué aucune rechute. Leur système immunitaire se souvenait du danger et a réagi immédiatement pour l’éliminer.
Un autre point fort de cette technologie tient à sa flexibilité et à sa facilité d’adaptation. Nul besoin d’analyser en détail la génétique de chaque tumeur, ce qui rend le processus plus simple et potentiellement moins cher que celui actuellement engagé dans les vaccins personnalisés. On peut l’utiliser avec différents types d’antigènes, selon la pathologie.
Il est néanmoins pour l’instant évident que les tests, exclusivement effectués sur des souris, restent à confirmer chez l’humain, sans certitude de résultats équivalents. Mais cette découverte ouvre des perspectives extrêmement encourageantes, notamment la possibilité, au lieu de créer de tout nouveaux vaccins, d’améliorer ceux qui existent en leur ajoutant cet adjuvant surpuissant, de manière à transformer une réponse immunitaire faible en une défense robuste contre la tumeur.
À l’avenir, traiter un cancer pourrait se fonder sur une combinaison entre les traditionnelles chimio- et radiothérapies, engagées pour détruire les cellules pathogènes, et ces vaccins entraînant le corps du patient à les reconnaître et à les combattre une bonne fois pour toutes, par la création d’une véritable mémoire immunitaire. Un espoir fascinant.