Et si la France arrêtait de détenir le record d’Europe des grèves du contrôle aérien ? Et si nos ports cessaient de voir 40% des conteneurs destinés à nos entreprises leur passer sous le nez pour accoster à Anvers ou Rotterdam ? L’interminable feuilleton des blocages qui paralysent notre économie n’est pas une fatalité. La solution : l’automatisation.
Elle a déjà fait ses preuves. Une automatisation massive et intelligente. Loin d’être un projet de destruction d’emplois, c’est une formidable machine à créer de la richesse pour tous, en transformant des métiers pénibles en postes qualifiés, et en libérant des gains de productivité qui irrigueront toute l’économie.
Le coût astronomique des paralysies chroniques
La France détient un record peu enviable : 114 à 128 jours de grève pour 1000 salariés par an, soit 4 à 6 fois plus que l’Allemagne. Cette instabilité chronique transforme nos infrastructures stratégiques en points de vulnérabilité dont les blocages pèsent lourdement sur toute l’économie.
Prenez les ports français. D’après l’Union des Entreprises Transport et Logistique de France, les grèves de début 2025 ont provoqué une augmentation de 23% des coûts de transport et une perte de chiffre d’affaires de 21% pour les entreprises touchées. Plus dramatique encore : 40% des conteneurs destinés au marché français transitent déjà par des ports étrangers concurrents comme Anvers, Rotterdam ou Hambourg. Cette hémorragie traduit une perte de confiance durable. Les géants du transport maritime, qui exigent une fiabilité absolue, redessinent leurs routes pour contourner la France. Nos ports perdent progressivement leur statut de portes d’entrée majeures pour devenir de simples escales secondaires.
Dans le ciel, c’est pire encore. La France détient le record peu enviable de « championne d’Europe » des grèves du contrôle aérien, dont le coût pour le secteur aérien européen est estimé à 800 millions d’euros sur la période 2018-2022, dont 624 millions directement imputables à la France, sans compter l’effet domino sur le tourisme et l’économie européenne. Début juillet, moins de 300 contrôleurs en grève ont réussi à paralyser pas moins de 500 000 passagers en 2 jours. Le fait que la France soit le pays le plus survolé d’Europe transforme chaque grève en France en crise internationale.
Ces vulnérabilités ne sont pas une fatalité. Elles sont le symptôme d’infrastructures névralgiques qui refusent de se moderniser.
L’automatisation des ports
Tandis que les ports français s’enlisent, Rotterdam a choisi une autre voie. Premier port d’Europe avec 13,8 millions d’EVP traités en 2024, il a révolutionné ses opérations dès 1993 en ouvrant le premier terminal à conteneurs automatisé au monde. Aujourd’hui, ses terminaux les plus modernes fonctionnent avec seulement 10 à 15 personnes par jour là où un port traditionnel en nécessite des centaines.
Le spectacle est saisissant : d’immenses grues sans pilote soulèvent les conteneurs avec une précision millimétrique, des véhicules autoguidés électriques circulent en silence sur les quais, et tout est orchestré depuis des salles de contrôle confortables et climatisées. Résultat ? Une productivité décuplée par rapport aux ports traditionnels, et un fonctionnement 24h/24 et 7j/7.
Le port de Rotterdam a annoncé son ambition de pouvoir accueillir des navires autonomes à l’horizon 2030. Cette stratégie s’inscrit dans un vaste programme de transformation numérique et d’innovation, avec la création d’un « jumeau numérique » du port, l’installation de milliers de capteurs et le développement d’infrastructures intelligentes pour permettre la navigation autonome et la gestion automatisée du trafic maritime.
Singapour ne demeure pas en reste avec son projet de méga-port à Tuas. La cité-État construit le plus grand terminal à conteneurs entièrement automatisé du monde, d’une capacité colossale de 65 millions d’EVP d’ici les années 2040. Cette performance repose sur une automatisation de pointe, avec une flotte de plus de 200 véhicules autonomes électriques. Le tout est orchestré par une intelligence artificielle qui optimise les flux et la consommation d’énergie, et supervisé via un jumeau numérique – un double virtuel du port qui sera testé à grande échelle dès la seconde moitié de 2025 pour simuler et perfectionner les opérations en temps réel.
Le ciel et le train se réinventent
L’automatisation du contrôle aérien progresse également dans le reste du monde, quoique avec prudence. L’aéroport de London City est devenu en 2021 le premier aéroport international majeur contrôlé entièrement à distance. La Suède pilote 11 aéroports depuis un centre unique, avec 90% d’économies par rapport aux tours traditionnelles.
Sous l’impulsion de programmes majeurs comme SESAR en Europe et NextGen aux États-Unis, le contrôle aérien adopte l’intelligence artificielle qui agit comme un « copilote virtuel » pour les contrôleurs qui peuvent gérer davantage de trafic avec plus de sérénité. Ces systèmes analysent en temps réel des millions de données pour anticiper les conflits de trajectoire, proposer les routes les plus efficaces et automatiser les tâches de routine. À terme, on espère qu’un nombre réduit de contrôleurs, assistés par des IA de plus en plus fiables, suffise à gérer un volume de vols croissant.
Dans le ferroviaire, l’automatisation française existe sous terre. Les lignes 1 et 14 du métro parisien, entièrement automatiques, ont brillamment résisté aux grèves de décembre 2019. Pendant que les autres lignes étaient paralysées, elles assuraient un service normal.
Fort de ce succès, le Grand Paris Express sera 100% automatique. Et la SNCF teste ses premiers prototypes de trains autonomes, avec l’objectif de faire circuler des convois sans conducteur d’ici quelques années. Le fret ferroviaire européen se modernise également avec l’attelage automatique digital (DAC), qui promet de réduire la formation d’un train de 4 heures à 30 minutes, transformant le fret ferroviaire européen en un réseau intelligent, plus efficace et compétitif.
L’emploi transformé, pas détruit
La principale crainte face à l’automatisation concerne la destruction d’emplois. Pourtant, dans les ports automatisés, les dockers ne disparaissent pas : ils deviennent techniciens en salle de contrôle. Fini le port de charges lourdes sous les intempéries, place à la supervision d’écrans dans des bureaux chauffés et climatisés.
L’automatisation crée aussi de nouveaux métiers : analystes de données logistiques, experts en maintenance prédictive, spécialistes en cybersécurité industrielle. Ces emplois, bien que moins nombreux que ceux qu’ils remplacent, sont mieux rémunérés, moins pénibles et plus qualifiés.
Au-delà des seuls impacts sur les secteurs progressivement automatisés, il convient de mesurer l’effet d’entraînement. L’amélioration de la productivité des ports, pour ne prendre que cet exemple, génère des effets bénéfiques considérables qui irriguent l’ensemble de l’économie, menant à la création d’innombrables nouveaux emplois. Les études quantifient cet impact spectaculaire : chaque augmentation de 10% du débit d’un port peut générer jusqu’à 0,2% de croissance du PIB régional, et la création de 400 à 600 emplois par million de tonnes de marchandises traitées. En Chine, il a été démontré qu’une hausse de 1% du trafic portuaire pouvait augmenter la croissance du PIB par habitant de 7,6%. Outre qu’elle permet d’éviter les blocages, l’automatisation d’infrastructures critiques enrichit l’ensemble de la société.